mercredi 8 juillet 2015

Légende d’Argenteuil

Disons-le clairement, haut et fort ! Argenteuil souffre de sa réputation !

Car la 3ème Ville d’Ile-de-France a une bien triste renommée qu’elle doit à des épisodes tantôt dramatiques, tantôt tragiques, tantôt tragi-comiques et systématiquement médiatiques.

Ainsi, dans les esprits, les qualificatifs premiers de cette commune, pas si commune que cela, sont:

Dangereuse. Moche. Pauvre.

Pour celui qui y vit et qui est attentif à ce qui s’y passe, force est de constater que cette réputation n’est pas usurpée.

La Ville est à la fois dangereuse, moche et pauvre ! C’est pourquoi l’on observe aujourd’hui une forte paupérisation, des mouvements de replis communautaires, des investissements frileux, voire inexistants, des projets à peine dessinés jamais concrétisés, de viles querelles politiciennes, une économie et un commerce local en berne, une offre maigre, une attractivité telle qu’elle repousse même les promoteurs immobiliers sans parler des actifs de la classe moyenne et des familles qui, bien inspirés, chercheront hors de ce désert de quoi nourrir un destin plus faste.

En ce reg, où  fourmillent nombre de charognards, morts-vivants et survivants, l’eau n’est plus. La source de toute vie semble avoir été asséchée par des barrages boueux entravant l’arrivée des richesses. Car ne l’oublions pas, l’eau et ses reflets d’argent apporte la prospérité à celui qui sait l’exploiter. Les Egyptiens l’avaient bien compris en bâtissant leur civilisation autour du Nil qui devînt le cœur de leur économie. De même, le « tigre de l’Euphrate » a longtemps protégé les mésopotamiens jusqu’à la riche Byzance qui, elle-même, bordée par la Mer Noire, irisait l’entière Anatolie !

Construite au bord de la Seine, aux portes du plus grand port fluvial d’Europe qu’est Gennevilliers, il dût sembler clairvoyant aux avant-gardistes de nommer ce bourg Argenteuil. Ainsi allait-elle pouvoir répondre aux chères attentes de ses bourgeois d’habitants, vivotant entre les ginguettes et un hédonisme imprégné de l’air des temps modernes, un air musical s’accordant avec le cadre champêtres des peintures impressionnistes de l’époque.

Seulement, le ciel se couvrit de nuages noirs tels les fumées des usines et l’air devint nauséabond quand s’ouvrit l’ère de l’industrialisation. Les atouts d’hier qui justifièrent le choix d’Argenteuil comme place forte des industries devinrent la cause des maux d’aujourd’hui. La Guerre, puis la rudesse de l’Hiver 1954, les chocs pétroliers et le chômage des « 40 pourries » succédant aux 30 glorieuses, ont complété ce célèbre tableau des usines de Monet.



Il n’aurait pas fallu plus d’une décennie communiste pour enterrer Argenteuil sous ses gravats et la suie de sa splendeur d’antan calcinée. Et alors que le grand élan de désindustrialisation toucha plus durement les réfractaires ayant assis leur rente sur cette activité, ce sont plus de cinq décennies de communisme, de 1945 à 2001 qui privèrent Argenteuil du droit d’entrer dans la nouvelle ère privée, l’ère tertiaire, l’ère des moins pauvres que nous.

Etrangement, alors qu’il s’y trouve et dans le nom de l’un et de l’autre, l’argent a fui des poches trouées de Montdargent et des caisses criblées de dettes de notre très chère Ville. Finalement, Argenteuil dût faire son deuil de l’Argent jusqu’à ce qu’elle-même, suffoquant de dangerosité, de mocheté et de pauvreté, finisse par mourir de soif.
Alain R.